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Si selon l’article 1386-18, devenu l’article 1245-17 du Code civil, le régime de responsabilité du fait des produits défectueux n’exclut pas la possibilité pour la victime d’un dommage d’agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d’un régime spécial de responsabilité, c’est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents, telle la garantie des vices cachés ou la faute (v. CJCE, 25 avr. 2002, C-183/00,María Victoria González Sánchez c/ Medicina Asturiana SA, point 31).
Tel n’est pas le cas de l’action en responsabilité du fait des choses, prévue à l’article 1242 du Code civil, alinéa 1er qui, lorsqu’elle est invoquée à l’encontre du producteur après la mise en circulation du produit, procède nécessairement, elle aussi, d’un défaut de sécurité.
En conséquence, l’action en responsabilité du fait des choses intentée par le propriétaire d’un bâtiment d’exploitation détruit en raison d’une surtension accidentelle sur le réseau électrique et à l’explosion d’un transformateur situé à proximité de la propriété, plus de trois ans après la connaissance de l’origine électrique du sinistre, est prescrite. Telle est la solution d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 11 juillet 2018.
Dans cette affaire, un incendie avait détruit un bâtiment d’exploitation. Le dommage ayant été imputé à une surtension accidentelle sur le réseau électrique et à l’explosion d’un transformateur électrique situé à proximité de la propriété, le propriétaire de l’immeuble et son assureur ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des choses, la société ERDF, qui leur a opposé la prescription de leur action, en se prévalant de l’application de la responsabilité du fait des produits défectueux. En cause d’appel, leur action a été déclarée irrecevable comme prescrite, l’arrêt s’étant fondé sur le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux et donc du délai de trois ans. Un pourvoi a été formé.
Les demandeurs soutenaient :
– d’une part, que la réparation des dommages causés par une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relevait pas du domaine de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux et qu’ils étaient donc libres d’agir sur un autre fondement ;
– d’autre part, que le régime de la responsabilité du fait des choses n’est pas fondé sur le défaut d’un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre mais sur le fait de la chose.
Énonçant la solution susvisée, la Haute juridiction rejette toutefois le pourvoi, raisonnant comme suit :
Champ d’application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux
Elle procède d’abord à un examen du champ d’application de la directive précitée, pour conclure que le législateur national n’a pas limité le champ d’application de ce régime de responsabilité à la réparation du dommage causé à un bien destiné à l’usage ou à la consommation privé et utilisé à cette fin. Elle rappelle par ailleurs que, par une décision du 4 juin 2009 (CJCE, 4 juin 2009, aff. C-285/08, Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France et Ace Europe), la CJCE a dit pour droit que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relevait pas du champ d’application de la directive. Cependant, la CJCE avait précisé que celle-ci devait être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’interprétation d’un droit national ou à l’application d’une jurisprudence bien établie, selon lesquelles la victime peut demander réparation du dommage dès lors qu’elle rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre les deux.
Rejet de l’application du régime de la responsabilité du fait des choses
La Haute juridiction rejette le pourvoi, estimant que l’action en responsabilité du fait des choses repose, à l’instar de l’action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux, sur un défaut de sécurité du produit, de sorte que seul ce régime peut s’appliquer en l’espèce. En conséquence, l’action intentée par le propriétaire de l’immeuble détruit était soumise à une prescription de trois ans, conformément à l’article 1245-16 du Code civil.
Par June Perot
Explosion d’un transformateur électrique en raison d’un défaut de sécurité : régimes de responsabilité et de prescription applicables
Civil - Responsabilité
13/07/2018
Dans un arrêt rendu le 11 juillet 2018 concernant l'explosion d’un transformateur électrique en raison d’un défaut de sécurité, la Cour de cassation examine les régimes de responsabilité et de prescription applicables.
Tel n’est pas le cas de l’action en responsabilité du fait des choses, prévue à l’article 1242 du Code civil, alinéa 1er qui, lorsqu’elle est invoquée à l’encontre du producteur après la mise en circulation du produit, procède nécessairement, elle aussi, d’un défaut de sécurité.
En conséquence, l’action en responsabilité du fait des choses intentée par le propriétaire d’un bâtiment d’exploitation détruit en raison d’une surtension accidentelle sur le réseau électrique et à l’explosion d’un transformateur situé à proximité de la propriété, plus de trois ans après la connaissance de l’origine électrique du sinistre, est prescrite. Telle est la solution d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 11 juillet 2018.
Dans cette affaire, un incendie avait détruit un bâtiment d’exploitation. Le dommage ayant été imputé à une surtension accidentelle sur le réseau électrique et à l’explosion d’un transformateur électrique situé à proximité de la propriété, le propriétaire de l’immeuble et son assureur ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des choses, la société ERDF, qui leur a opposé la prescription de leur action, en se prévalant de l’application de la responsabilité du fait des produits défectueux. En cause d’appel, leur action a été déclarée irrecevable comme prescrite, l’arrêt s’étant fondé sur le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux et donc du délai de trois ans. Un pourvoi a été formé.
Les demandeurs soutenaient :
– d’une part, que la réparation des dommages causés par une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relevait pas du domaine de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux et qu’ils étaient donc libres d’agir sur un autre fondement ;
– d’autre part, que le régime de la responsabilité du fait des choses n’est pas fondé sur le défaut d’un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre mais sur le fait de la chose.
Énonçant la solution susvisée, la Haute juridiction rejette toutefois le pourvoi, raisonnant comme suit :
Champ d’application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux
Elle procède d’abord à un examen du champ d’application de la directive précitée, pour conclure que le législateur national n’a pas limité le champ d’application de ce régime de responsabilité à la réparation du dommage causé à un bien destiné à l’usage ou à la consommation privé et utilisé à cette fin. Elle rappelle par ailleurs que, par une décision du 4 juin 2009 (CJCE, 4 juin 2009, aff. C-285/08, Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France et Ace Europe), la CJCE a dit pour droit que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relevait pas du champ d’application de la directive. Cependant, la CJCE avait précisé que celle-ci devait être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’interprétation d’un droit national ou à l’application d’une jurisprudence bien établie, selon lesquelles la victime peut demander réparation du dommage dès lors qu’elle rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre les deux.
Rejet de l’application du régime de la responsabilité du fait des choses
La Haute juridiction rejette le pourvoi, estimant que l’action en responsabilité du fait des choses repose, à l’instar de l’action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux, sur un défaut de sécurité du produit, de sorte que seul ce régime peut s’appliquer en l’espèce. En conséquence, l’action intentée par le propriétaire de l’immeuble détruit était soumise à une prescription de trois ans, conformément à l’article 1245-16 du Code civil.
Par June Perot
Source : Actualités du droit